Le film crée une image de la féminité comme créature hyperbolique, du drag comme monstruosité camp à mi-chemin entre le sujet humain et l’objet vivant, initialement présentée au spectateur en plan frontal. Cependant, le film inverse le regard : la drag queen, initialement fixée, devient le spectateur. Ses mouvements déploient l’univers du livre – iel ouvre une fiction miniature et se soumet au geste du tentacule de la sculpture, initiant une rencontre entre les deux êtres. La miniaturisation permet d’inverser la relation hiérarchique de taille : la petite horloge, telle une icône, n’est qu’une représentation de l’objet réel – Summoning, d’Andy Hope (1930), offert au spectateur tel un rituel, dont le silence et la composition planimétrique soulignent le ton respectueux. Pourtant, la cérémonie brouille les frontières, et la démesure de la drag queen en prêtresse, mettant en mouvement le mécanisme du temps, lui confère un contrôle sur le temps comparable à celui d’un marionnettiste, et iel le manipule à sa guise.

Juli Susin vit et travaille à Montreuil et Albisola.
Diplômé des Beaux-Arts de Paris en 1991, il a été fait Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres en 2023. Sa pratique couvre la photographie, le dessin, la sculpture, la céramique, le cinéma, l’écriture et le livre d’artiste. Dans les années 2000, il a créé Silverbridge, un projet d’édition de livres d’artistes collaboratifs, aujourd’hui connu sous le nom de Royal Book Lodge.
Son cycle majeur, Chronos Swimmer, est une recherche au long cours sous forme de fiction autobiographique qui combine installation, film, musique, photographie, céramique et livre d’artiste. En 2023, ce cycle a été présenté au Musée des Abattoirs de Toulouse. En 2025, son roman et ses photographies seront publiés par Hatje Cantz.
Le travail de Susin a été exposé dans des institutions telles que : La Chapelle Saint-Augustin, Beaux-Arts de Paris ; Forum Stadt Park Gratz ; Musée d’art contemporain de Mexico ; Musée Oscar Niemeyer, Brésil ; Garage Center, Moscou ; Fotohof, Salzbourg ; Fondation Miglorissi, Asuncion ; Musée des Abattoirs, Toulouse.

Mirron Mitzkewich, né à Moscou en 2000, a quitté la Russie en 2018 et est devenu réfugié politique en 2024. Il vit et travaille à Paris, où il a obtenu une licence en cinéma et audiovisuel à l’Université Paris 1 en 2022.
Depuis 2018, il a réalisé et co-réalisé plusieurs courts métrages expérimentaux en numérique et Super 8. Depuis 2022, Mirron Mitzkewich collabore avec la musicienne et compositrice Jeanne Susin sur des vidéos et des captations live. La même année, il débute une collaboration avec Royal Book Lodge, pour le montage d’archives vidéo et la production de nouveaux enregistrements d’expositions et de performances. En 2023, il a travaillé au montage et à la réalisation partielle du film Chronos-Swimmer de Juli Susin et Raisa Aid, présenté au Musée des Abattoirs de Toulouse. En 2024, il co-réalise le court métrage « Summoning » avec Juli Susin. Sa dernière œuvre, une installation audiovisuelle intitulée « Alienum Corpus », interroge l’auto-représentation, visant à retranscrire des expériences personnelles de transition de genre et d’exil, une réflexion sur l’aliénation dans son propre corps et dans le monde.

Royal Book Lodge est né d’une collaboration entre les artistes Juli Susin et Véronique Bourgoin à la fin des années 1980. Son mode opératoire est la création de livres favorisant le dialogue entre artistes et synthétisant des expérimentations avec différents médiums tels que la peinture, la sculpture, la photographie, le cinéma, les installations, la céramique et l’écriture. RBL propose une sélection de plus de quarante livres d’artistes. Souvent en éditions limitées et aux designs élaborés, chaque ouvrage propose des mises en scène innovantes d’images, de textes et parfois d’objets, créant des formes hybrides entre livre, sculpture et artefact.
Depuis 2000, Royal Book Lodge a fait de l’édition un processus collaboratif qui transcende la réalité physique du livre et génère des correspondances inattendues, explorant des questions enfouies dans diverses constructions de notre époque liées à la matérialité et à la dissolution, aux structures autobiographiques et aux codages mythologiques, à la fiction et à la réalité, à l’humain et à l’inhumain, à la violence et au potentiel de l’art comme trousse de premiers secours pharmacologique.