Emilia Faro
- Salon immatériel
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Emilia Faro
On Liberty, 2019
Vidéo
7 min 20 min
Courtesy de BIANCHIZARDIN
La réduction typiquement beckettienne du cadre montre la moitié d’un visage de femme avec un mors de cheval dans la bouche, récitant des extraits du célèbre essai « De la liberté » (1858) de J.S. Mill (1806-1873). La sélection des textes a été faite selon les critères personnels de l’artiste, en tenant compte de la contemporanéité de la pensée de Mill.
Emilia Faro
The Path, 2017
Vidéo
6 min 35 sec
Courtesy de BIANCHIZARDIN
Les opinions des hommes sur ce qui est louable ou blâmable sont soumises à toutes les causes diverses qui influencent leurs sentiments à l’égard d’autrui, causes qui sont aussi nombreuses que celles qui déterminent leurs désirs à l’égard de n’importe quoi d’autre. Les hommes sont parfois influencés par leur raison, parfois par leurs préjugés ou leurs superstitions, souvent par leurs sentiments sociaux, plus rarement par leurs sentiments antisociaux, leur envie ou leur jalousie, leur arrogance ou leur mépris ; mais plus souvent encore, les hommes sont influencés par des attentes ou des craintes pour eux-mêmes – dans leur intérêt personnel légitime ou illégitime.
L’intolérance est tellement ancrée chez les hommes dans tout ce qui leur importe réellement, que la liberté religieuse n’a pratiquement jamais été réalisée, sauf là où l’indifférence religieuse, qui n’aime pas voir sa paix troublée par des controverses théologiques, a jeté son poids dans la balance.
La seule raison pour laquelle un pouvoir peut être légitimement exercé sur un membre d’une communauté civilisée, contre sa volonté, est d’empêcher qu’un dommage soit causé à autrui. Chaque individu est le gardien de sa propre santé, qu’elle soit corporelle, mentale ou spirituelle. L’humanité gagne plus à tolérer que chacun vive comme il lui semble bon, qu’à l’obliger à vivre comme il semble bon aux autres.
Les hommes ne sont pas infaillibles ; leurs vérités sont le plus souvent des demi-vérités ; l’uniformité d’opinion n’est pas souhaitable si elle ne représente pas le résultat de la comparaison la plus complète et la plus libre d’opinions opposées ; la diversité n’est pas un mal, mais un bien, tant que les hommes ne sont pas capables de reconnaître tous les aspects de la vérité. Tant que les hommes sont imparfaits, il est utile qu’il y ait des opinions et des expériences différentes dans la vie, que des caractères différents soient laissés libres de s’exprimer à condition qu’ils ne nuisent pas à autrui.
L’individualité est l’un des principaux ingrédients du bonheur humain, précisément l’ingrédient principal du progrès personnel et social. Les facultés humaines telles que la perception, le jugement, la capacité de discernement, l’activité mentale et même les préférences morales ne s’exercent que dans les choix. Ceux qui font quelque chose par pure coutume ne font pas de choix et n’apprennent pas à discerner ou à désirer ce qui est le mieux. Les énergies mentales et morales, comme les forces musculaires, ne se développent que par l’usage. La nature humaine n’est pas une machine que l’on construit sur un modèle et que l’on règle pour qu’elle accomplisse exactement le travail qui lui est prescrit, mais un arbre qui a besoin de croître et de se développer dans toutes les directions, selon les tendances des forces intérieures qui font de lui un être vivant.
Les désirs et les impulsions, cependant, font autant partie de l’être humain que les croyances et les conditionnements ; et les fortes impulsions ne sont dangereuses que lorsqu’elles ne sont pas correctement équilibrées. Ce n’est pas à cause de leurs fortes passions que les hommes agissent mal, mais parce que leur conscience est faible.
L’originalité est un élément précieux dans la vie des hommes. On a toujours besoin d’individus originaux, non seulement pour découvrir de nouvelles vérités et révéler que celles qui étaient autrefois des vérités ne le sont plus, mais aussi pour initier de nouvelles formes de conduite et donner l’exemple d’un comportement plus éclairé et de meilleur goût dans la vie humaine.
Ces quelques individus sont le sel de la terre ; sans eux, la vie humaine deviendrait un marais stagnant. S’il n’y avait rien de nouveau à faire, l’intelligence humaine cesserait-elle d’être nécessaire ? Serait-ce une bonne raison d’oublier pourquoi les choses ont été faites depuis longtemps et d’agir comme des bêtes plutôt que comme des êtres humains ?
J.S. Mill